Le Burkina Faso est un pays enclavé et sahélien avec des ressources en eau souterraine et en eau de surface rares et limitées. Cette situation exige que l’on ait une approche de gestion rationnelle et durable des ressources en eau. Ainsi, le gouvernement a-t-il inscrit la gestion de l’eau comme une de ses préoccupations majeures. A cet effet, un document de politique nationale de l’eau a été adopté en 1998, en vue de la mise en œuvre des principes majeurs de la gestion intégrée des ressources en eau, dont les principes préleveur payeur et pollueur payeur.
La mise en œuvre de la politique nationale de l’eau de juillet 1998 s’est inspirée des principes énoncés dans la constitution du Burkina Faso et dans les différents textes législatifs tel que la loi portant réorganisation agraire et foncière, ainsi que les principes de gestion de l’eau, développés au niveau international notamment dans les textes des conventions signées ou ratifiées par le Burkina Faso.
La transcription juridique de cette vision de gestion intégrée des ressources en eau s’est traduite par l’adoption par l’assemblée nationale de la loi n°002-2001/AN du 08/02/2001 portant loi d’orientation relative à la gestion de l’eau.
En effet, ladite loi rappelle l’importance de la contribution de chaque personne physique ou morale à la gestion des ressources en eau.
En conséquence, l’article 49 de la loi précitée, précise en son alinéa 1 que « les personnes physiques ou morales qui utilisent de l’eau à des fins autres que domestiques peuvent être assujetties au versement d’une contribution financière assise sur le volume d’eau prélevé consommé ou mobilisé ; cette contribution doit en priorité servir au financement du secteur de l’eau……. »
Il ressort de cette disposition que ladite loi institue la contribution financière en matière d’eau (CFE), en précisant les éventuels assujettis, les causes d’exemption, la base de taxation, la finalité de la taxe qui doit servir au financement du secteur de l’eau.
Par ailleurs, en vue de mieux préciser la nature juridique de la contribution financière instituée par la loi d’orientation relative à la gestion de l’eau, la loi n°058-2009/AN portant institution d’une taxe parafiscale au profit des agences de l’eau a été adoptée le 15 décembre 2009.
La taxe parafiscale est un prélèvement effectué afin de servir au financement de prestations spécifiques en l’occurrence le financement des actions de protection, de restauration, de préservation et de gestion de la ressource eau.
Le paiement de cette taxe par tous les assujettis contribuera sans nul doute à une meilleure gestion des ressources en eau.
I – De la mise en œuvre de la CFE
L’article 1er de la loi n°58-2009 du 15 décembre 2009 a instituée la taxe parafiscale dénommée Contribution financière en matière de ressources en eau (CFE) au profit des groupements d’intérêts publics et Agences de l’Eau.
Ces dites agences sont les chevilles ouvrières de la mise en œuvre de la politique en matière d’eau au Burkina et pour une efficacité de leurs actions, il importe qu’elles disposent de moyens conséquents et appropriés.
Le secteur de l’eau longtemps tributaire des contraintes budgétaires des finances publiques et de l’aide extérieure, doit pour atteindre les objectifs fixés au niveau national et international, trouver des financements autonomes, c’est-à-dire des financements issus de ce secteur, en un mot l’eau doit financer l’eau.
La contribution financière en matière d’eau constitue un mécanisme approprié pour répondre à cette exigence. Aux termes de l’article 2 de ladite loi « la taxe parafiscale dénommée contribution financière en matière d’eau comprend : la taxe de prélèvement de l’eau brute, la taxe de modification du régime de l’eau et la taxe de pollution de l’eau…….. ».
En vue d’amorcer la mise en œuvre de cette taxation, le décret n°2011-445/PRES/PM/MEF/MAH portant détermination des taux et des modalités de recouvrement de la taxe de prélèvement de l’eau brute a été adopté le 18 juillet 2011.
Ledit décret prévoit en ses articles 2, 3 et 4 le taux de la taxe de prélèvement conformément aux différents usages.
Ainsi :
le prélèvement de l’eau brute à des fins de production d’eau potable est fixé à un (1) franc CFA le mètre cube (m3) d’eau prélevée ;
le prélèvement de l’eau brute pour les industries minières et autres industries est fixé à deux cent (200) francs CFA le mètre cube (m3) d’eau prélevée ;
le prélèvement de l’eau brute pour les travaux de génie civil est fixé à :
- dix (10) francs CFA le mètre cube (m3) de remblai exécuté;
- vingt (20) francs CFA le mètre cube (m3) de béton mis en œuvre, toute classe de béton confondue.
L’article 7 dudit décret fait obligation aux personnes assujetties à la taxe de prélèvement de l’eau brute de déclarer les volumes d’eau prélevés ou les matières mises en œuvre au cours du trimestre écoulé sur la base de formulaires de déclaration d’activités disponibles et d’acquitter la taxe correspondante au plus tard le 30 du mois suivant la déclaration auprès des services de recouvrement compétents.
Au regard de l’entrée en vigueur de la taxe de prélèvement de l’eau brute le 18 juillet 2011, la déclaration de volume d’eau prélevée s’effectuera à compter du 18 octobre 2011, et le paiement est dû au plus tard le 30 novembre 2011.
En effet, la loi d’orientation de 2001 a permis l’institution du paiement de l’eau afin que chacun contribue à l’effort de la nation pour la gestion d’une ressource aussi cruciale que l’eau.
Aussi, les différentes interprétations de ladite taxation déraisons soulevées par la Chambres des mines pour se dérober au paiement de ladite taxe, ne relèvent que d’une simple interprétation erronée des dispositions du Code minier.
II – De la nécessité de paiement de la CFE
La mise en place d’un système de contribution au secteur de l’eau et donc de paiement d’une taxe de l’eau provient l’engagement international du Burkina Faso pour la gestion et la protection des ressources naturelles, qui s’est traduite à travers ses différents textes juridiques tel que la constitution, les codes de l’environnement et minier, la loi d’orientation relative à la gestion de l’eau, etc.
De ce fait, le législateur n’a eu de cesse de rappeler l’obligation générale de préservation de l’environnement en alliant souvent la perspective d’un développement économique à cette obligation.
A cet effet, l’article 65 de la loi n°031-2003/AN du 08 mai 2003 portant code minier au Burkina Faso dispose que l’occupation de terrains nécessaire aux activités de prospection, de recherche ou d’exploitation, comporte, le cas échéant, le droit d’utiliser les chutes d’eau libres et les eaux de surface et souterraines, le tout à l’intérieur du périmètre défini dans le titre minier ou l’autorisation, sous réserve d’indemnisation ou de paiement des taxes ou redevances prévues par les lois ou règlements en vigueur.
Cette disposition prise dans le souci d’allier les droits octroyés au secteur minier avec des obligations liées à l’utilisation et la préservation des ressources en eau, dénote le grand souci du gouvernement Burkinabé de combiner les investissements avec le respect de notre environnement.
L’article 76 du même code renchérit en effet que « les activités régies par le code minier doivent être conduites de manière à assurer la préservation et la gestion de l’environnement et la réhabilitation des sites exploités selon les normes, conditions et modalités établies par la réglementation en vigueur…. »
Il est évident que cette disposition est d’une importance fondamentale car elle soumet l’activité minière au respect des dispositions nationales et internationales relatives à la protection de l’environnement. C’est dans cet ordre d’idées qu’il convient de lire l’article 76 parallèlement, d’une part avec l’article 3 qui indique que le code minier s’applique sans préjudice des autres instruments législatifs dont entre autres la RAF, la loi relative à la gestion de l’eau, le code de la santé ou le code de l’environnement et d’autre part avec l’article 79 qui soumet les activités minière au régime des établissements classés .
A ce sujet, ledit code insiste en son article 79 sur le fait qu’outre les dispositions du code minier, les titulaires de titres et les bénéficiaires d’autorisations sont également soumis aux dispositions législatives et réglementaires de caractère général en vigueur notamment celles relatives à la préservation et à la gestion de l’environnement.
L’objectif de cette taxe parafiscale est de contribuer au développement continu du pays, en permettant d’une part d’allouer des ressources financières aux Agences de l’Eau et d’autre part de favoriser une gestion rationnelle et économe de l’eau par les différents usagers. L’eau peut et doit financer l’eau, et il faudrait de plus en plus intégrer la contribution financière en matière d’eau dans les politiques de gestion économique et financière des usagers.
Si le niveau de contribution doit reposer sur des critères scientifiques, économiques et techniques selon une approche participative et pragmatique, il n’en demeure pas moins que la démarche doit viser un transfert progressif des coûts aux usagers. Il s’agit de faire contribuer progressivement les usagers avec le moins d’incidence possible sur les prix de vente aux consommateurs des produits des gros usagers en matières d’eau (ONEA, SONABEL, SOSUCO, mines, grandes entreprises, etc.). Elle consiste également à éviter de décourager les petits et moyens opérateurs (entrepreneurs, petits irrigants, etc.) du domaine de l’eau.
C’est pour cela que la fixation de cette taxe a été précédée par plusieurs études menées depuis 2005 afin de présenter toutes les situations possibles pour obtenir un faible impact sur les activités des assujettis.
Une étude menée sur la problématique de taxation des principaux usages de l’eau brute à court, moyen et long terme selon les activités menées, estime que la taxe parafiscale au profit des agences de l’eau permettra (i)de garantir un financement durable du secteur et partant, assurer un meilleur entretien des ouvrages hydrauliques par une responsabilisation des populations à la base et (ii)de faire prendre conscience aux usagers que l’eau est vitale, rare et chère, et doit être utilisée de façon rationnelle et mesurée.
En matière d’industrie en général et d’industrie extractive en particulier, l’eau est un facteur technique de production au même titre que l’électricité et n’est pas en général considérée comme une matière première. Les entreprises minières utilisent l’eau à plusieurs niveaux : pendant la phase de recherche, pendant la phase d’exploitation et après l’extraction.
L’évaluation de la CFE pour les sociétés minières a tenu compte des paramètres suivants:
- les investissements et les coûts de fonctionnement de l’exhaure sont entièrement supportés par les entreprises concernées ;
- les canalisations profiteront sur leurs parcours à d’autres opérateurs (agriculture);
- le taux actuel de l’ONEA;
- les études de faisabilité des sociétés concernées et les montants déjà autorisés par le Ministère en charge de l’eau.
Aussi, le code minier fait peser sur l’Administration des mines l’obligation de faire respecter les normes de gestion et de préservation de l’environnement. De même, ledit code stipule que les propriétaires de titres miniers peuvent utiliser les eaux de surface et souterraines sous réserve du paiement des taxes ou redevances par les lois ou règlements en vigueur.
Conclusion
L’exploitation minière constitue à ne pas douter un puissant levier pour le développement socio-économique de notre pays mais surtout des populations riveraines des sites d’exploitations. Les acquis sont déjà palpables sur le terrain avec la réalisation d’infrastructures au profit des populations. Ces efforts ne sont nullement négligés par le gouvernement mais sont bien au contraire encouragés, et c’est dans cette même dynamique que les acteurs miniers sont appelés à contribuer à la préservation et à la restauration de la ressource en eau aussi bien pour la population que pour la pérennité de leurs propres activités.
Les acteurs miniers se sont inscrits dans une logique de contribution à la bonne mise en œuvre des politiques gouvernementales et cela passe par une prise en compte et une adhésion aux politiques et mécanismes définis par le Gouvernement. La préservation et la restauration des ressources en eau incombe à tous les acteurs afin de garantir la disponibilité de la ressource pour les usages actuels et ceux à venir.
Il est vrai que les efforts des sociétés minières ne sont nullement négligés par l’Etat, mais elles ne doivent pas pour autant être exonérées des contributions à la préservation de la ressource en eau, patrimoine de la nation qu’elles puisent à des fins économiques.
Par ailleurs, les sociétés minières sont très fortement encouragées à adopter un système intégré qui permet un recyclage de l’eau prélevée et sa réutilisation dans le système, de même que le développement de mécanismes propres et cela afin de minimiser encore plus les quantités d’eau prélevées, et dans un souci du respect de l’environnement.
La gestion rationnelle des ressources naturelles, renouvelable ou non renouvelables, est aujourd’hui une exigence fondamentale de nos sociétés, dans la perspective du développement durable. D’où la nécessité d’associer tous les utilisateurs de l’eau à une meilleure gestion de l’eau, source de vie.